La filiale guinéenne du géant minier AngloGold Ashanti, l’une des plus grandes sociétés d’extraction d’or au monde, est parvenue à un règlement financier avec les familles déplacées de force pour faire place à sa mine d’or dans la préfecture de Siguiri à la fin de 2015 et en 2016. Une déclaration commune publiée aujourd’hui décrit les principaux éléments de l’accord de règlement confidentiel signé à Coyah, en Guinée, le 13 septembre. Une partie du montant total de l’accord sera versée directement aux familles touchées à titre d’indemnisation individuelle et le reste sera versé dans un fonds destiné à financer des projets de développement et de rétablissement des moyens de subsistance mis en œuvre par les communautés. Il s’agit de l’aboutissement d’un processus de médiation de six ans, au cours duquel une série d’accords provisoires ont été conclus sur toute une gamme de questions allant de l’accès à l’eau et aux écoles à la sécurité, en passant par les droits de la personne.
« Nous sommes ravis d’être parvenus à cet accord », a dit Balla Camara, leader communautaire et ancien maire d’une localité voisine. « Lorsque nous avons commencé notre lutte, personne ne pensait que nous pourrions obtenir ne serait-ce qu’un franc de cette société, et l’on nous a dit d’y renoncer, mais nous avons persévéré, et aujourd’hui, nous pouvons à nouveau garder la tête haute. »
Plus de 360 familles ont été chassées de leurs terres et de leurs foyers dans un groupe de villages connu sous le nom de « Area One » dans la préfecture de Siguiri. Beaucoup d’entre elles étaient des familles de mineurs artisanaux, de marchands et d’agriculteurs dont les ancêtres vivaient dans la région depuis plus de 800 ans.
Rôle de la Société financière internationale (SFI)
L’accord de règlement annoncé aujourd’hui est l’aboutissement d’une série de médiations entre l’entreprise et la communauté d’Area One qui a débuté en juillet 2018 sous les auspices du conseiller-médiateur pour la conformité (CAO) du Groupe de la Banque mondiale. Ces médiations ont été entreprises après que les communautés affectées ont déposé une plainte auprès du CAO concernant les liens financiers de la Société financière internationale avec l’exploitant de la mine.
La plainte, déposée avec le soutien des organisations non gouvernementales guinéennes Mêmes Droits Pour Tous (MDT) et le Centre du Commerce International pour le Développement (CECIDE), ainsi que du groupe international de défense des droits de l’homme Inclusive Development International, souligne que la SFI est liée à l’expansion de la mine de Siguiri par l’intermédiaire de son client, Nedbank, qui a accordé un prêt à usage général à AngloGold Ashanti en 2015, année où les expulsions ont commencé. La plainte décrit la mise en œuvre des expulsions dans un contexte de violence, d’intimidation et d’arrestations arbitraires par les forces de sécurité de l’État, et la réinstallation de la communauté dans des conditions désastreuses, sans accès à l’eau, à des locaux scolaires ou aux soins de santé, et sans qu’aucun effort ne soit fait pour rétablir leurs moyens de subsistance.
« Les souffrances endurées par la communauté Area One ne peuvent être réparées. Mais ce règlement contribuera grandement à aider la communauté à reconstruire les moyens de subsistance qu’elle a perdus à cause de la mine », a déclaré Aboubacar Diallo, Directeur executif du CECIDE.
« Cet accord final a été long à obtenir, mais nous devons féliciter les dirigeants d’AngloGold Ashanti d’être restés engagés dans le processus de dialogue pendant toutes ces années et d’avoir finalement apporté une solution satisfaisante aux familles lésées par l’expansion de la mine de Siguiri », a déclaré Fréderic Foromo Loua, Président de MDT.
Au cours des sept années de médiations facilitées par le CAO, les parties ont signé plusieurs accords provisoires relatifs à la sécurité et aux droits de la personne, ainsi qu’à l’amélioration des infrastructures et des services de base sur le site de réinstallation. Dans le cadre de l’accord final, l’entreprise a promis de respecter ses engagements en cours ou en suspens liés à ces accords, notamment l’achèvement des travaux à l’école primaire et au marché, la réparation du poste de santé, l’élimination de la poussière sur les routes principales et l’amélioration du système de drainage sur le site de réinstallation. L’accord de règlement final réaffirme également la responsabilité permanente de l’entreprise de coopérer à toute enquête judiciaire liée à des allégations de violations des droits de la personne dans sa zone d’exploitation ; de divulguer rapidement et de manière accessible ses plans d’exploitation minière aux personnes susceptibles d’être affectées par ces projets ; et, si une nouvelle réinstallation est nécessaire pour mettre en œuvre ses plans d’exploitation minière, de s’engager dans un processus transparent et productif de consultation informée et participative des communautés affectées, conformément aux normes de performance de la SFI et aux principes du consentement libre, préalable et éclairé.
Une victoire rare pour les communautés cherchant réparation aux dommages liés à l’exploitation minière
Le Area One Sustainable Development Fund qui sera créé dans le cadre du règlement final comprend des dispositions innovantes visant à garantir l’appropriation par la communauté et une large participation, ainsi que la transparence financière et la bonne gouvernance. La SFI a également accepté de faciliter le processus d’assainissement en fournissant une assistance technique à la communauté pour l’aider à identifier des projets de développement de moyens de subsistance durables et réalisables – une première pour l’institution de financement du développement qui s’efforce depuis deux ans de finaliser son Approche des mesures correctives.
« Il s’agit d’une victoire extraordinaire pour la communauté d’Area One, qui sera un exemple pour les communautés affectées par l’exploitation minière dans le monde entier », a déclaré David Pred, directeur exécutif d’Inclusive Development International. « Malheureusement, il est extrêmement rare que les communautés qui déposent des plaintes auprès des mécanismes de responsabilité du financement du développement obtiennent des résultats correctifs complets comme celui-ci, et c’est la première fois que nous voyons la SFI soutenir activement une résolution de cette manière. Nous espérons que ce cas présagera de changements à venir et que nous commencerons à voir plus d’exemples de banques de développement soutenant des efforts de réparation lorsque leurs investissements sont à l’origine de préjudices ».
Le CAO suivra la mise en œuvre de l’accord global pendant deux ans.
Un reportage photo sur la lutte et la victoire de la communauté Area One est disponible ici : https://youtu.be/penDPtDm43M?si=OPZsyImLkEAcYHBR
Pour plus d’informations sur l’affaire, voir : https://www.inclusivedevelopment.net/cases/guinea-anglogold-ashanti-gold-mine/
– Réinstallation involontaire pour l’extension d’une mine d’or à Kintinian : Kintinian, Guinée – Rapport de la mission d’enquête (Janvier 2017), à : https://communitiesfirst.net/2017/01/31/kintinian-report/
– Enrichissement injuste : Comment la SFI profite de l’accaparement des terres en Afrique (avril 2017) à : http://www.inclusivedevelopment.net/wp-content/uploads/2017/04/Outsourcing-Development-Africa.pdf